Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

J e   m ' e n t r a î n e   d o n c   j e   s u i s   !

27 octobre 2008

Anthropologie du corps et modernité, par David Le Breton (extraits)

Voici quelques passages d'un texte de david Le Breton qui souligne les risques d'une existence trop sédentaire et nous incite à l'entraînement intelligent...

Blade_Runner2"Depuis le néolithique, l'homme a le même corps, les mêmes potentialités physiques, la même force de résistance aux données fluctuantes du milieu. (...) Jamais sans doute comme aujourd'hui dans les sociétés occidentales, on a aussi peu utilisé la motilité, la mobilité, la résistance physique de l'homme. La dépense nerveuse (stress) a pris historiquement la place de la dépense physique. (...) Les techniques du corps, même les plus élémentaires (marcher, courir, nager, etc.), reculent et ne sont que partiellement sollicitées au cours de la vie quotidienne, le rapport au travail, les déplacements, etc. (...) Les activités possibles du corps, celles par lesquelles le sujet construit la vivacité de sa relation au monde, prend conscience de la qualité de ce qui l'entoure et structure son identité per­sonnelle, tendent à s'atrophier. Dans la vie sociale, le corps est plus souvent vécu sur le mode de l'encom­brement, de l'obstacle, source de nervosité ou de fatigue que sur le mode de la jubilation ou de l'écoute d'une possible musique sensorielle. Les activités du sujet consomment davan­tage d'énergie nerveuse que d'énergie corporelle. D'où l'idée commune aujourd'hui de « bonne fatigue » (liée aux activités physiques) et de «mauvaise fatigue» (liée à la dépense nerveuse). (...) C'est plutôt un autre usage de soi, à travers son corps, qui se fait jour, un souci nouveau : celui de restituer à la condition occidentale la part de chair et de sensorialité qui lui fait défaut. Effort pour rassembler une identité personnelle morcelée dans une société morcelante. La préoccupation croissante pour la santé et la prévention amène aussi au développement de pratiques physiques (jogging, parcours du cœur, etc.). Elle conduit également les acteurs à prêter une conscience plus attentive à leur corps, à leur nour­riture, à leur rythme de vie. Elle induit la recherche d'une activité physique régulière. Là aussi se dégage un usage de soi qui vise à restaurer un équilibre rompu, ou délicat à maintenir entre le rythme de la modernité et les rythmes personnels."

Extraits de Anthropologie du corps et modernité,

par David Le Breton, sociologue, PUF, 2003

Publicité
Publicité
27 octobre 2008

S'entraîner comme un maître

edpbleulogoCommençons d’abord par nous entendre sur la notion d’ « entraînement » en situant le sens de ce mot grâce à une définition reconnue : « Pratique raisonnée de l'exercice, avec une durée et une intensité croissantes, faite dans le but d'accroître l'endurance, la performance ou la résistance physique ou intellectuelle. »* 

Les choses étant clairement posées, il va de soi que si vous décidez de consacrer une partie de votre emploi du temps à l’entraînement, il est indispensable que cette démarche soit perçue comme un véritable choix personnel. Une formule de Bruce Lee situe admirablement l’importance de ce choix : « Pendant son entraînement, l’étudiant doit être porté par une énergie, un dynamisme total. » ** C’est pourquoi nous devons considérer l’entraînement comme une sorte de « sas » temporel, un moment privilégié et précieux, dans lequel on entre pour une durée variable mais (si possible) toujours définie à l’avance.

Se sentir concerné et légitime

Comme l’a fort justement écrit le philosophe Frédéric Paulhan*** : « Il est assez naturel que l’on appelle « personnel » un acte, une croyance, où la personne entière est intéressée, où la personne entière a pris part. »  C’est pourquoi un entraînement « intelligent » doit se traduire par un niveau d’autonomie manifeste de la part du pratiquant. Souvenons-nous de ce passage éclairant du Traité des cinq roues du samouraï Myamoto Musashi : « L’essentiel est que le comportement quotidien devienne comportement de la tactique et que le comportement de la tactique devienne comportement quotidien. »****

Au fil du temps, j’ai pu rencontrer des professeurs et pratiquants expérimentés en danse ou en arts martiaux, d’anciens sportifs de haut niveau motivés par l’envie de trouver un second souffle dans leur entraînement, mais aussi des pratiquants occasionnels d’activités sportives ne trouvant pas de réelles satisfactions dans leur discipline, ou même des personnes simplement désorientées ne disposant pas du temps et de la motivation nécessaires pour suivre une activité « encadrée » en club. Toutes ces personnes recherchaient avant tout un moyen de s’entraîner intelligemment pour éprouver cette joie intérieure qui s’empare de vous lorsque les principes d’un art vous sont révélés. C’est pourquoi j’encourage mes élèves à assimiler les exercices comme s’ils devaient plus tard les transmettre à d’autres. Bref, à s’entraîner comme des maîtres. Car loin d’être une démarche prétentieuse et irrespectueuse, cette forme d’engagement personnel s’apparente plutôt à un art de vivre qui nous équilibre à travers le temps et nous libère de nos tensions les plus inhibitrices.

Claude Boiocchi

Coach & consultant

Pour en savoir plus:

www.entrainement-dynamique.com  

* Définition issue du Dictionnaire de médecine physique de rééducation et réadaptation fonctionnelles de KAMENETZ, Herman L. et KAMENETZ, Georgette, Paris, Maloine, 1972, p. 67

** Bruce Lee, Tao du Jeet Kune Do, Budostore, p. 16

*** L’activité mentale et les éléments de l’esprit, Ed. Félix Alcan, 1889, p.164

**** Myamoto Musashi, Le Traité des Cinq roues, Albin Michel, p.74

27 octobre 2008

L'art d'être debout

Pas si simple de vivre debout...

cboiocchi2Le psychologue Jacques Dropsy** souligne fort justement combien « L’équilibre vertical du corps humain sur une base aussi étroite que celle donnée par les pieds apparaît comme un tour de force permanent. » Selon Jacques Dropsy***, l’erreur serait de s’en tenir à un alignement des structures osseuses pour trouver sa stabilité verticale, ce qui reviendrait en fait à déplacer le poids de son corps sur les talons et donc à perdre la plus grande partie de notre aptitude au mouvement. C’est justement en partant de ce mauvais positionnement que ce thérapeute expérimenté en vient à définir ce qu’il considère comme une loi inhérente à la réalité humaine : la dynamique posturale, qui consiste à visualiser un axe vertical pour gérer notre équilibre statique et dynamique. Or c’est en développant cette conscience des axes qu’il devient possible d’accéder à un niveau de psychomotricité plus appréciable, en partant du principe que nous assurons continuellement notre aplomb non pas en nous rigidifiant mais bien plutôt en réalisant une oscillation continuelle et une flexion légère des articulations pour maintenir un rapport vivant avec la pesanteur.

La gestion permanente du déséquilibre 

Bruce Lee, qui accordait lui aussi une importance fondamentale à la posture debout et particulièrement au maintien de la stabilité, conseillait d’enfiler chaque jour ses chaussettes en testant son équilibre sur une jambe puis sur l’autre ! Je voudrais à mon tour insister sur l’importance de cette attitude si profondément humaine qui fait de nous à chaque instant des équilibristes en acte et nous incite en permanence à trouver de nouveaux appuis pour réduire ou simplement mieux gérer cette contrainte. Car dans toute entreprise d’expression corporelle, il est d’abord capital de localiser le pivot du mouvement, cet axe imaginaire qui situe le corps dans sa hauteur et à partir duquel s’effectuent ces rotations qui génèrent une force hélicoïdale dite « de torsion » qui mettent en action les muscles du tronc. L’ostéopathe Pierre Hammond* nous rappelle d’ailleurs que : « Tous les mouvements exécutés dans les arts martiaux, qu’il s’agisse du judo, du karaté ou de l’aïkido, pour ne citer que quelques exemples, répondent à une forme hélicoïdale, afin d’assurer une défense plus efficace et une plus grande rapidité des mouvements d’attaque. Dans toutes ces disciplines, on fait d’abord ressentir à celui qui les pratique ce qui se passe à l’intérieur de son être avant de l’autoriser à projeter vers l’extérieur. C’est grâce à la perfection de l’intériorité que l’on atteint celle de l’extériorité. » Or c’est précisément cette constitution en hélice et le jeu de ces forces contraires qui se neutralisent ou se dynamisent le long de cet axe vertical qui permettent à la structure corporelle humaine d’être un exemple d’équilibre d’un point de vue postural et gestuel. 

Claude Boiocchi

Coach & consultant 

24 octobre 2008

L'entraînement intelligent existe-t-il ?

On distingue facilement une personne qui s’entretient physiquement (même modestement) d’une personne totalement sédentaire. Souvent, ceux qui négligent cet exercice ont une santé fragile, une posture qui trahit un manque de vigueur et d’énergie, une démarche qui semble plus raide, des gestes peu sûrs ou qui manquent de grâce. Avec le temps, même les plus résistants finissent par devenir étrangers à leur propre corps…

Bruce_LeeRappelons que c'est souvent l’absence de mouvement qui intervient dans la dérégulation du sommeil, qui accroît le stress ou le mal de dos, qui prédispose à la dépression, qui favorise l’anémie et l’asthénie et qui finit par nous rendre étrangers à notre propre corps et même à nos propres projets. Autant de symptômes modernes qui témoignent le plus souvent d’une dysharmonie entre l’équilibre nerveux et le niveau de dépense physique, et qui faute d’une culture physique suffisante prennent facilement racine. Trompés par les nombreux clichés nous manquons finalement de notions à propos du corps et de l’effort physique et c’est pourquoi j’ai acquis la conviction que notre méfiance à l’égard du mouvement était bien souvent le signe d’un défaut d’apprentissage.

Ce constat m’a incité à remettre au goût du jour la notion de « culture physique » aujourd’hui tombée en désuétude. Cette expression a en effet été littéralement dénaturée par le concept d’activité sportive qui bénéficie surtout aux marchands du temple (magazines, vêtements sportwear, salles et appareils de musculation, marques agro-alimentaires etc.). En survalorisant le loisir et le défoulement (et cela dès l’apprentissage du sport à l’école), la propagande n’a fait que favoriser l’apparition de deux camps opposés : les sportifs et les non sportifs. Les premiers, souvent obnubilés par la performance, la compétition et le paraître et les seconds, culpabilisés et renvoyés à leur paresse. Et tandis que les uns prétendent « s’éclater » en pratiquant les sports et les activités à la mode, les autres, une majorité de déçus et de frustrés n’ont finalement que peu d’alternatives ! Il existe cependant une troisième voie, moins spectaculaire certes mais pourtant salutaire, qui nous oriente vers une forme de culture physique favorisant une perception du corps évoluée et « intelligente »* , et qui se caractérise notamment par un effort régulier pour préserver son bien être jour après jour. Car n’en doutons pas : le corps ne s’use que si l’on ne s’en sert pas !  

Claude Boiocchi

Coach & consultant


* « L’activité physique faite de façon intelligente est, avec l’alimentation, le meilleur médicament qui soit. » résume ainsi le Docteur Alain Ducardonnet, cardiologue et médecin du sport  à l’Institut Cœur Effort Santé de Paris. Dossier  « Bougez ! C’est bon pour la santé. », Mutuelle Magazine, Juillet 2003, n°3, p.7 


24 octobre 2008

Vive le vent d’hiver !

Quantité de contes et légendes racontent les épreuves imposées par le maître au jeune disciple. La série Kung Fu, qui suscita bien des vocations, n’échappe pas à la règle et débute par la mise à l'épreuve du jeune Kwaï Chang Ken laissé plusieurs jours devant les portes du temple. Loin d’être anecdotique, cette séquence montre combien il est important de s’exposer aux conditions les plus rudes (le vent, la pluie, le froid, etc.) pour resituer sa démarche et éprouver sa motivation.

Kung_Fu2S‘imprégner des principes de la nature

Les samouraïs ne veillaient-ils pas à entretenir leur âme de guerrier en mettant un point d’honneur à perfectionner leur art, même aux heures les plus froides de l’année ? Et n’est-ce pas dans ce même esprit que Matsutastu Oyama, initiateur d’un Karaté moderne et réaliste, s’isola dans la montagne pendant plusieurs saisons pour se concentrer sur l’essentiel et s’imprégner des principes ? Dans une moindre mesure, je me souviens de ces stages intensifs de Kyokushinkaï dirigés par le charismatique Alain Setrouk, lorsque nous claquions des dents sur les plages normandes. Je revois ces dizaines de pratiquants venus de toute la France pour partager une passion commune et retrouver l’humilité d’un Karaté épuré. J’ai également le souvenir de ces longues séances matinales de méditations posturales dirigées par Maître Ming Shan dans son petit coin réservé du jardin du Luxembourg. Je me remémore le froid extrême qui nous congelait sur place durant ces interminables heures de Zhanzuang orchestrées par un maître aussi alerte qu’exigeant. Je me revois, si impatient, guettant sa venue de quart d’heure en quart d’heure pour corriger mon attitude et favoriser ainsi la juste circulation de l’énergie.

Toutes ces expériences m’ont enseignées qu’entre l’entraînement en salle ou en extérieur il y a autant de différence qu’entre le fait de nager dans une piscine chauffée ou dans la mer.  J’encourage donc mes élèves à se mobiliser en toute saison et à ne surtout pas laisser passer l’occasion d’aller pratiquer ne serait-ce qu’une vingtaine de minutes dans un parc blanchi par la neige, rendu glissant par le givre matinal ou simplement rafraîchi par la pluie.  Je pense même que la rigueur d’un entraînement hivernal forge le mental pour l’année entière et que la passion authentique en sort toujours renforcée.

Claude Boiocchi

Coach & consultant

Publicité
Publicité
Publicité